Plus que jamais, nos organisations regorgent d’outils technologiques pour partager des connaissances, ce n’est donc plus un enjeu. Entre les canaux de discussion comme Teams ou Slack, les centres de documentation partagée comme Notion, Drive ou SharePoint, et les messages vidéo sur Loom, on pourrait croire qu’on a tout ce qu’il faut pour communiquer efficacement.
Pourtant, bien des entreprises s’essoufflent devant la quantité grandissante d’information à stocker, traiter… et oublier. Pour plusieurs, le retour des employés au bureau semble la seule façon de retrouver une circulation fluide des savoirs.
Mais on oublie l’essentiel : le partage de connaissances ne dépend pas des outils, mais de la culture de collaboration.
Oui, cette culture peut être plus fragile dans une équipe hybride. Mais la présence physique ne règlera pas tout. Que les collègues soient sur place ou à distance, le vrai défi, c’est de créer une circulation vivante, intentionnelle et durable du savoir qui ne repose pas uniquement sur la technologie.
Dans les prochaines sections, on explorera pourquoi les connaissances se perdent si facilement à distance — et surtout, comment bâtir une culture dans laquelle elles circulent avec clarté et confiance, peu importe le lieu de travail.
Pourquoi les connaissances ne circulent pas aussi facilement à distance.


Partager un fichier à distance, c’est facile. Partager une compétence, une leçon apprise ou un bon réflexe… c’est une autre histoire.
Dans une entreprise, une grande partie des connaissances utiles au quotidien sont dites tacites : elles ne sont pas écrites nulle part. Elles prennent la forme de tours de main, d’astuces, de contextes non documentés ou d’expériences acquises avec le temps. Ces savoirs se transmettent surtout par :
- L’observation
- La discussion informelle
- L’accompagnement sur le terrain
Bref, ce qui disparaît dans un contexte de travail à distance ou hybride.
Dans un environnement physique, c’est différent :
- On apprend en écoutant ce qui se dit au bureau d’à côté.
- On retient un commentaire après une réunion.
- On s’inspire en regardant comment un collègue gère une situation délicate.
Ce sont tous des moments d’apprentissage informels, mais d’une richesse inégalée.
À distance, ces moments ne surviennent pas spontanément. On parle quand c’est prévu, on se consulte quand il y a un problème et, entre deux réunions, on retourne à nos tâches. À cause de ce rythme plus coordonné, on échange moins, on apprend moins, et les silos se renforcent.
Un autre frein au partage de connaissances, c’est l’excès d’informations. Quand tout est documenté, mais mal structuré, on ne sait plus ce qui est à jour, ni où chercher. On évite alors de poser des questions, car on ne veut pas déranger nos collègues. On finit par recommencer les recherches, alors que la réponse était peut-être déjà disponible.
Bref, ce n’est pas l’absence d’outils qui freine le partage d’informations : c’est la disparition des opportunités naturelles d’apprentissage et l’absence de mécanismes pour les recréer autrement.
Partager des connaissances : un enjeu culturel avant tout.
Face à ces défis, plusieurs PME tombent dans un réflexe bien intentionné, mais souvent inefficace : implanter un nouvel outil. Un intranet mieux organisé, une plateforme de gestion des connaissances, un nouveau canal Slack.
Le problème ? Ces solutions technologiques ne servent à rien si personne n’a le réflexe (ou l’élan) d’y contribuer. Partager des savoirs, ce n’est pas une tâche en plus. C’est un comportement collectif qu’on encourage ou qu’on freine.
Et ce comportement dépend de la culture de collaboration.
Dans une culture où l’on valorise, par exemple, la rapidité d’exécution, l’autonomie et la compétition, il devient difficile ou même contre-productif de poser une question, de partager un échec ou de prendre le temps de documenter ses connaissances. Puisqu’on ne valorise pas l’échange et le partage, on développe des silos personnels et l’information s’y retrouve coincée.
À l’inverse, une culture propice au partage de savoirs se distingue par trois éléments clés :
- La reconnaissance de celles et ceux qui prennent le temps de transmettre leur savoir.
- Le droit à l’erreur, perçu comme une occasion d’apprentissage individuel et collectif.
- La clarté des attentes, où partager ses connaissances fait partie intégrante du rôle de chacun.
Dans un contexte hybride, ces éléments ne se devinent pas. Ils doivent être affirmés, incarnés, répétés.
D’ailleurs, les gestionnaires se doivent de montrer l’exemple ! En partageant leurs réflexions, leurs apprentissages et leurs questions au reste de l’équipe, ils ouvrent un espace sécurisant pour que les autres en fassent autant.
Mais leur rôle ne s’arrête pas là. Les gestionnaires doivent aussi façonner des environnements dans lesquels les connaissances se construisent à plusieurs, et non dans des silos fonctionnels. Pour y arriver, ils ont le devoir de :
- Créer des espaces pour collaborer
- Encourager les individus à réfléchir ensemble
- Promouvoir l’innovation et l’optimisation des méthodes de travail
Autrement dit, les connaissances ne doivent pas seulement être transmises : elles doivent être coconstruites, activées et mises en mouvement.
Créer des opportunités intentionnelles d’échange de connaissances.


Une culture de collaboration doit se traduire concrètement dans les pratiques, les horaires et les routines de l’équipe. Ça commence par une chose trop souvent négligée : créer des moments intentionnels où le partage de connaissances est non seulement permis, mais attendu.
Même dans une petite équipe, il est possible de mettre en place des mécanismes simples et durables :
- Des revues de projet collectives, aussi appelées rétrospectives, pour discuter ouvertement de ce qui a bien (ou moins bien) fonctionné.
- Des communautés de pratique, même informelles, pour rassembler celles et ceux qui partagent un intérêt ou un rôle similaire.
- Des moments récurrents dédiés au partage de connaissances, intégrés à l’horaire : par exemple, un 10 minutes d’apprentissage en début de réunion, ou des rencontres d’équipe le vendredi matin.
- Des espaces pour partager les bons coups et les leçons apprises, lors de rencontres hebdomadaires ou via un canal dédié.
Mais il faut aussi ramener un peu d’informel dans un monde devenu trop structuré. À distance, il est facile de tomber dans un fonctionnement mécanique : rencontre, tâche, livrable. Pourtant, une grande partie de l’apprentissage se fait dans l’interaction spontanée.
Pour la recréer :
- Ouvrir des canaux #entraide ou #coup-de-main pour favoriser les échanges horizontaux.
- Jumeler des collègues plus expérimentés avec des plus récents pour créer des liens de transfert naturel.
- Intégrer des moments sociaux semi-structurés, comme un café virtuel thématique ou une rotation de binômes mensuels.
- Encourager les rencontres inter-équipes pour briser les silos et multiplier les points de vue.
Ces pratiques n’ont pas à être lourdes ou formelles. Mais elles doivent être reconnues comme faisant partie du travail, et non comme un extra optionnel réservé aux périodes creuses (qui n’arrivent jamais).
Autrement dit, dans une entreprise performante, le temps dédié au partage de connaissances n’est pas du temps perdu : c’est un investissement dans l’intelligence collective.
Prendre un pas de recul pour mieux faire circuler les connaissances
Que votre équipe soit hybride ou à distance, les silos ne sont pas toujours évidents à détecter. Ils ne se limitent pas aux structures d’équipe ou aux départements, mais prennent aussi racine dans nos comportements quotidiens.
On garde pour soi certaines informations pour plusieurs raisons :
- On pense que ce n’est pas pertinent pour les autres.
- On n’ose pas poser une question de peur d’avoir l’air mal préparé.
- On répond en privé au lieu de nourrir une discussion ouverte.
Individuellement, ce sont de petits gestes anodins. Collectivement, ils isolent, freinent la collaboration et figent le savoir.
Alors, comment faire autrement, sans ajouter une couche de complexité ?
Une des stratégies les plus puissantes et sous-utilisées consiste à instaurer de petits rituels d’équipe pour réfléchir ensemble, à ce qu’on fait, à ce qu’on apprend, à ce qu’on améliore, et à ce qu’on pourrait mieux partager.
Ça peut être très simple :
- En fin de mois : « Qu’est-ce qu’on a appris ce mois-ci ? »
- Après un projet : « Y a-t-il une leçon à transmettre à d’autres équipes ? »
- En début de trimestre : « Qu’est-ce qu’on veut mieux comprendre ou tester ensemble ? »
Ces moments de recul nous aident à remettre les connaissances en mouvement. Ils permettent de reconnaître ce qui mérite d’être partagé, et d’aligner l’équipe sur ses apprentissages, même quand tout le monde travaille à distance.
Ce sont de petits gestes qui font une grande différence quand on cherche à bâtir une culture dans laquelle les informations circulent librement et durablement.
Et si on misait d’abord sur la confiance pour bâtir une culture de partage ?
Le vrai défi du partage de connaissances à distance, ce n’est pas l’absence d’outils ou le manque de rencontres en présentiel. C’est l’absence d’occasions, de routines et, parfois, de confiance.
Pour que les savoirs circulent, il faut un environnement où l’on se sent légitime :
- De poser des questions
- D’offrir son point de vue
- De transmettre ce qu’on sait (même si ce n’est pas parfait).
Il faut du temps, de l’espace et une volonté claire de bâtir ensemble une culture où apprendre les uns des autres fait partie du travail. Partager des connaissances, ce n’est pas une activité d’exception qu’on fait de temps en temps pour se sentir mieux.
Dans une équipe hybride ou à distance, on ne peut pas compter sur les corridors, les cafés improvisés ou les conversations d’après-réunion pour que le savoir circule. Il faut intentionnellement recréer ces occasions de connexion et miser sur un climat dans lequel chacun se sent autorisé et encouragé à contribuer à l’intelligence collective.
C’est cette confiance, plus que n’importe quel outil, qui fait circuler les connaissances et grandir les équipes.