Par Stéphane Simard

Entrevue réalisée avec Judith Boisjoli alors qu’elle était directrice des ressources humaines, division Est-du-Canada, chez Couche-Tard, la plus importante chaîne de magasins d’accommodation indépendante en Amérique du Nord.

Couche-Tard a obtenu le 2e rang (grande entreprise) en 2010 et 2011 dans le cadre du Défi Meilleurs employeurs, en plus d’être largement reconnue pour son engagement communautaire.

Qu’est-ce qu’un employeur de choix?

Premièrement, un employeur de choix est une entreprise dont les employés sont fiers. Fiers de la façon dont l’entreprise gère ses affaires, de son dynamisme et de son rôle de citoyen corporatif en matière d’environnement ou de soutien auprès de la communauté. Cette fierté doit venir davantage des employés que d’une campagne marketing ou d’une reconnaissance externe.

Deuxièmement, pour devenir un employeur de choix, une entreprise doit être à l’écoute de ses gens. Placer ses employés au cœur de son quotidien, c’est un choix qui nécessite de la disponibilité et un engagement à vouloir agir prendre action. Cela rapporte d’importants dividendes.

Comment devient-on un employeur de choix?

Une entreprise peut devenir un employeur de choix de deux façons, soit par le charisme naturel de ses dirigeants qui, par leurs choix, leur personnalité et leur style de gestion, vont inspirer un changement, soit grâce à une stratégie corporative planifiée et structurée. Chez Couche-Tard, on retrouve un peu un mélange des deux.

Comment recrutez-vous chez Couche-Tard ?

Des entrevues de départ exhaustives nous ont permis de découvrir que 45 % des gens qui travaillent chez nous sont venus spontanément porter leur curriculum vitae dans nos magasins. La force de la bannière et notre réputation d’offrir une première chance nous aident beaucoup. De plus, un nombre important de gens postulent parce qu’ils connaissent quelqu’un qui travaille déjà chez nous.

Afin de bien gérer ce flot de candidatures spontanées, tous nos gérants reçoivent une formation initiale d’environ trois semaines sur les aspects financiers reliés à la gestion complète d’un dépanneur et sur la façon de bien gérer des employés, incluant les moyens pour analyser un curriculum vitae et pour faire des entrevues de sélection.

Comment mobiliser davantage au quotidien?

La mobilisation de nos employés passe largement par la communication. Nous voulons que nos gérants prennent le temps d’expliquer le pourquoi de nos décisions corporatives. C’est la raison pour laquelle chacun d’eux doit réunir ses employés toutes les six semaines afin de discuter, entre autres, des irritants. Le gérant doit ensuite acheminer, par écrit, au siège social les irritants soulevés par les employés et qu’il doit corriger en une semaine.

Nous nous sommes donné cette plate-forme pour être encore plus à l’écoute de nos employés. Chaque vendredi, nous acheminons également le journal de l’entreprise au gérant de chaque magasin.

Afin de mobiliser davantage par la communication, nous incitons également nos gérants à avoir une conversation significative de cinq minutes avec au moins un employé différent tous les jours. Une vraie conversation sur un sujet qui tient à cœur à l’employé : ses enfants, sa maison, sa famille, l’école, sa santé, etc.

Le but est de démontrer à la personne qu’elle est importante, et les gestionnaires ont été outillés pour y arriver. Cela suppose d’ajuster leur horaire pour s’assurer de voir aussi les gens de nuit et du week-end.

Finalement, une fois par mois, nous organisons « les petits-déjeuners avec le boss ». Chaque vice-président de division, accompagné de la directrice des ressources humaines, rencontre une douzaine de gérants durant environ deux heures (en l’absence de leur supérieur immédiat) afin d’identifier des possibilités d’amélioration.

L’engagement communautaire est aussi très mobilisateur. Nous amassons beaucoup d’argent annuellement pour différentes causes, sans toutefois le publiciser. Cependant, nos employés ont insisté pour être informés sur les montants et sur les organismes de chaque région qui en ont profité.

La reconnaissance est une autre façon de mobiliser nos équipes. D’ailleurs, nos gérants doivent faire cinq mentions spécifiques de reconnaissance à leurs employés, toutes les six semaines, lors de chaque réunion. Nous les encourageons à prendre des notes lorsqu’ils sont témoins d’un événement ou d’un acte qui mérite d’être souligné. Nous reconnaissons également la contribution exceptionnelle de certains employés lors de notre congrès annuel.

Qu’est-ce qui fait de Couche-Tard un employeur de choix?

Notre grand secret, c’est que nous écoutons véritablement nos employés. Nous avons mis en place d’innombrables changements à la suite des suggestions des employés : poste à temps plein dédié à l’économie d’énergie, horaires d’été, vendredis « jeans », privilèges pour nos employés auprès des cinquante partenaires de choix de Couche-Tard…

Un autre exemple d’écoute est dans le choix des uniformes. Durant quatre heures, nous avons présenté à une quinzaine d’employés différents styles de vêtements et de couleurs afin qu’ils décident de l’uniforme officiel des cinq prochaines années.

Chaque dépanneur dispose d’un babillard destiné à être un centre de communication où sont affichés, tous les vendredis, les postes disponibles (autant localement qu’à l’international). Nous y avons également ajouté le nom et le numéro de téléphone cellulaire du coordonnateur (le patron des gérants) pour nous assurer que les employés sont à l’aise de partager toute information qu’ils jugent pertinente.

Une analyse de notre taux de roulement du personnel nous a démontré que 10 % de nos employés nous quittent parce qu’ils déménagent ou changent d’école. Puisque nous avons des magasins presque partout, nous avons donc mis sur pied une politique officielle favorisant le transfert interne pour offrir des possibilités de carrière accrues.

Toujours sur le thème de l’écoute, tout nouvel employé qui débute chez nous est systématiquement contacté durant sa première semaine par le coordonnateur (le patron du gérant) pour s’assurer que son intégration et sa formation se sont déroulées selon les standards de l’entreprise et pour répondre à ses questions.

C’est également une façon d’évaluer la performance des gérants sur cet aspect, puisqu’il y a un certain nombre de formations que tout employé doit suivre avant de pouvoir servir un client. En constante évolution, ces formations visent le respect dans le changement des lois et dans les promotions avec nos partenaires.

Grâce aux suggestions des employés, nous effectuons maintenant une vigie sur tout ce qui se dit dans les médias sur l’entreprise. Nos gens sont donc rapidement informés et mieux équipés pour répondre aux questions ou aux commentaires des clients. En partageant autant les bonnes que les mauvaises nouvelles, nous envoyons le message à nos employés qu’il est normal de faire des erreurs, à l’occasion, lorsque l’on prend des initiatives.

Nous avons tous droit à l’erreur. Dans nos réunions d’équipe, nous partageons nos fleurs et nos pots. Tout le monde peut ainsi apprendre des erreurs des autres et ainsi désamorcer des conversations de couloir lorsqu’une situation non discutée est montée en épingle.

Toute cette démarche vise à donner le goût de se dépasser, de prendre des initiatives et d’essayer des choses nouvelles, en sachant que cela ne fonctionnera pas toujours. À la fin de la journée, nous sortons tous grandis de nos initiatives, des mauvaises comme des bonnes.

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Stéphane Simard B.A., B.A.A., CRHA, CSP

Stéphane Simard B.A., B.A.A., CRHA, CSP, est conférencier international et auteur de cinq ouvrages traduits en quatre langues dont le best-seller Génération Y. Au cours des 10 dernières années, il a outillé concrètement plus de 20 000 gestionnaires afin d’attirer, mobiliser et fidéliser plus d’employés par le biais de ses conférences, formations et interventions en entreprise. Diplômé en administration des affaires et en enseignement, Stéphane est conseiller en ressources humaines agréé (CRHA) de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréé et il possède le titre Certified Speaking Professional (CSP) de la National Speakers Association. Il a oeuvré durant plus de 15 ans au sein de moyennes et grandes entreprises des secteurs manufacturier et de services dans des postes de direction.

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