Au Québec, de nombreux terrains sont contaminés. Leur réhabilitation permet d’assurer la protection de l’environnement et la revitalisation durable du territoire[1]. À cette fin, la Loi sur la qualité de l’environnement prévoit plusieurs situations pour lesquelles un terrain doit être réhabilité[2]. Dans le cadre de cette réhabilitation, la gestion des sols contaminés est soumise à un cadre réglementaire strict[3].

Les dépôts sauvages

Afin de réduire les coûts associés à une saine gestion des sols contaminés, certains font fi de la réglementation et déposent les sols contaminés directement dans l’environnement. Cette problématique dite des « dépôts sauvages » s’est accrue dans les dernières années, au détriment de la qualité de l’environnement. Au surplus, les personnes qui recourent aux dépôts sauvages créent une concurrence déloyale pour les entreprises respectueuses de la réglementation.

Si les causes des dépôts sauvages sont multiples, l’un des facteurs prédominants est l’absence de traçabilité efficace des sols contaminés.

La réponse gouvernementale aux sols contaminés

Afin de renforcer la conformité réglementaire et de limiter les infractions environnementales, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) a annoncé, l’été dernier, une série de mesures visant à s’attaquer aux dépôts sauvages[4].

D’abord, le MELCC a annoncé qu’il renforcerait la surveillance et les inspections, par un partenariat avec la Sûreté du Québec et par l’amélioration de la criminalistique environnementale.

Au surplus, en août 2018, le MELCC a publié une mise à jour de ses Bonnes pratiques en matière de traçabilité des sols contaminés excavés. Le 24 avril 2019, le gouvernement a publié le projet de Règlement sur la traçabilité des sols contaminés excavés.

Les bonnes pratiques en matière de traçabilité des sols contaminés excavés[5]

Afin d’éviter que des personnes dans la chaîne de gestion des sols contaminés ne recourent aux dépôts sauvages, il convient, pour les entreprises réalisant des projets impliquant la gestion de sols contaminés, d’adopter de bonnes pratiques en matière de traçabilité.

D’abord, le propriétaire des sols, son représentant ou le maître d’ouvrage devrait assumer une responsabilité à l’égard des sols jusqu’à leur dépôt au lieu récepteur autorisé, comme un centre de transfert, un lieu de traitement ou un lieu d’enfouissement. Pour ce faire, il convient de recourir à un système électronique de traçabilité administré par une entité indépendante[6]. À l’heure actuelle, Trace Québec offre un tel service aux entreprises souhaitant y recourir sur une base volontaire.

Le système doit assurer un suivi en temps réel du déplacement des sols, au moyen d’un système de géolocalisation installé dans le véhicule du transporteur des sols.

Le système doit en outre assurer une trace confidentielle, sécurisée et archivée des sols, en plus de permettre un accès en temps réel aux données. Cela prend la forme d’un bordereau de suivi.

Ce dernier doit être rempli par le propriétaire des sols, par son représentant ou le maître d’ouvrage avant le chargement des sols à bord du véhicule destiné à les transporter. Le bordereau comprend l’information portant sur la caractérisation des sols et leur quantité.

Il comprend aussi des renseignements relatifs à l’identification du véhicule du transporteur, ainsi que des données de contrôle de ce dernier comme la date et l’heure du chargement, le kilométrage estimé jusqu’au lieu récepteur et la durée prévue du trajet. Le lieu récepteur est également identifié au bordereau de suivi. Le tout est attesté par un expert.

Avant de quitter le terrain d’origine des sols, le transporteur doit confirmer les renseignements inscrits au bordereau de suivi, puis inscrire lui-même des renseignements relatifs à l’identification du véhicule. Une fois le transporteur arrivé au lieu récepteur, mais avant le déchargement des sols, le responsable du lieu récepteur devrait confirmer que le chargement reçu correspond à ce qui est inscrit au bordereau de suivi, vérifier les renseignements relatifs au transporteur et confirmer le profil de caractérisation des sols reçus.

Le bordereau de suivi ainsi complété devrait être transmis au propriétaire des sols, avec un rapport de traçabilité.

Conclusion

Les dépôts sauvages constituent un problème tant environnemental qu’économique. La traçabilité des sols contaminés vise à éliminer les dépôts sauvages et ainsi protéger la qualité de l’environnement tout en limitant la concurrence déloyale entre les entreprises.

[1] MELCC, Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés – Plan d’action 2017-2021 (2017), p. 4.

[2] Chapitre Q-2, art. 22, 31.43, 31.50.1, 31.51, 31.53, 31.54, 31.57, 70.5.1.

[3] Notamment la LQE, le Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains, chapitre Q-2, r. 37 (RPRT); le Règlement sur le stockage et les centres de transferts de sols contaminés, chapitre Q-2, r. 46 (RSCTSC) et le Règlement sur l’enfouissement des sols contaminés, chapitre Q-2, r. 18 (RESC).

[4] MELCC, Sols contaminés : Mieux prévenir et sanctionner les infractions environnementales.

[5] MELCC, Bonnes pratiques en matière de traçabilité des sols contaminés excavés; projet de Règlement sur la traçabilité des sols contaminés excavés. Le présent article ne présente que les principales caractéristiques de la traçabilité.

[6] Il est proposé, dans le projet de Règlement sur la traçabilité des sols contaminés excavés, que le MELCC soit l’administrateur.

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Me Olivier Dulude

Olivier Dulude, avocat depuis juillet 2018, l’auteur s’intéresse particulièrement au droit public et au droit de l’environnement. En plus de travailler au Conseil Patronal de l’Environnement du Québec comme chargé de projet depuis l’été 2016 et comme Coordonnateur des affaires publiques et législatives depuis l’été 2018, il a en effet effectué un stage au Tribunal administratif du Québec, participé à l’Observatoire des mesures visant la sécurité nationale, à l’Observatoire national en matière de droits linguistiques et a mené à bien un mandat pour le compte du Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal. Il s’implique par ailleurs auprès de l’Opération droits blindés.

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